L'Algérie et le Maroc: Les deux voisins ennemis

A cause de la Guerre froide, les stratégies des armées de l'Algérie et du Maroc ont évolué ces dernières années tout en suivant des modèles et des doctrines totalement opposées. Deux pays, deux différentes visions du monde. L'Algérie et le Maroc appartiennent à deux blocs distincts, avec deux visions différentes. Dans chaque « camp », des années d'alignement - sur celui de l'Est pour la première et sur celui de l'Ouest pour le second - ont marqué les gradés. Les officiers sont devenus officiers supérieurs et officiers généraux, les sous-officiers sont parfois devenus officiers et officiers supérieurs. Les uns formés « à la soviétique », les autres « à la française » ou « à l'américaine ».

Du côté de l’Algérie, l'adoption d'une doctrine a été moins aisé que pour le Maroc

Les problèmes apparus lors de la guerre des Sables, en octobre 1963, ont démontré qu'une armée exclusivement populaire ne convenait absolument pas. Ila création d’une force plus professionnelle s’est avéré indispensable ; une force disciplinée, utilisant des matériels modernes en cas de conflit armé avec le voisin marocain. Depuis les années 1960, la doctrine soviétique a su s’imposer et prouver sa valeur. En cas de guerre ouverte avec le Maroc, l'Algérie engagerait unités blindées, mécanisées et motorisées, suivant des procédés stricts aux plans rigides.

L'aviation renforcerait avec sa présence les troupes terrestres, ou intercepterait les chasseurs adverses sous le contrôle des stations radars terriennes, de concert avec les batteries de missiles surface-air. Une doctrine, bien que stratégiquement souple, perd beaucoup en initiative tactique, contraignant les officiers à exécuter les consignes sans hésitation afin de détruire l’ennemi depuis ses racines.

De son côté, le Maroc est un adepte du combat mobile

Ayant été encouragés à faire preuve d'initiative de manœuvre, les chefs d’unité mettent à profit la qualité et la quantité des moyens de transmission et du matériel, ainsi que le niveau d'entraînement des officiers, sous-officiers et militaires de carrière. Résultat : un encadrement solide et compétent.

Par contre, les cadres militaires algériens étaient formés - et politisés - dans les académies d'Union soviétique et des « pays frères », ceux de Rabat apprenaient et se perfectionnaient en France, aux États-Unis... Deux idéologies en conflit, et non pas deux pays.

Pourtant, la pensée militaire des deux pays s'est adaptée aux contingences du terrain et des décisions politiques avec le passage du temps.

Dans le Sahara occidental, le Maroc a dû lutter contre une guérilla armée jusqu’aux dents, excellant dans le combat mobile en zone désertique. Pour affronter cet adversaire, moins prévisible que des colonnes mécanisées respectant un plan précis, Rabat a procédé à l’édification d’une barrière fortifiée derrière laquelle des pièces d'artillerie automotrice ont été retranchées, ainsi que des chars et une infanterie.

Le royaume a neutralisé efficacement la capacité de nuisance du Polisario, malgré de lourdes pertes dans l'aviation de chasse.

L’Algérie a cédé du matériel aux indépendantistes sahraouis, tout en participant aux accrochages contre le Maroc en 1975

Alger ne pouvait se conformer à la doctrine militaire soviétique, qui implique la destruction totale de l'adversaire sans risquer une conflagration régionale majeure.

1992. l'Algérie est en pleine guerre civile opposant les autorités aux islamistes. Ils exploitent  des méthodes de combat asymétrique (guérilla, terrorisme) et labellisé. Les forces armées algériennes ne sont pas préparées à affronter une guérilla, la doctrine soviétique n'étant, dans ce cas, pas du tout appropriée.

Au début de cette crise, la médiocrité des forces régulières algériennes est  au découvert. La gendarmerie et les groupes d'autodéfense se révèlent aptes à combattre l'adversaire. La nouvelle structure, organisée en divisions (des unités lourdes, blindées et mécanisées), convient peu à la traque des terroristes.

Plusieurs pays imposent un embargo sur les armes et les équipements de sécurité à destination de l'Algérie : Eurocopter ne veut pas céder ses appareils, et l'armée ne peut recevoir les lunettes de vision nocturne.

L’Alger gagne du terrain sur les terroristes

Algériens et Marocains ont appris qu'une doctrine militaire n'a de sens que si elle tient compte des contingences locales et évolue en conséquence. Avec cette expérience de lutte antiguérilla sur des terrains différents acquise, ils se préparent à une guerre conventionnelle de gros calibre, bien déterminés à faire payer cher l’option militaire à l’ennemi. L'Algérie domine actuellement les débats avec 985 chars de combat, contre 550 du côté marocain.

La supériorité numérique est écrasante en termes de véhicules blindés de combat d'infanterie, avec 1085 engins en Algérie contre 195 au Maroc. En ce qui concerne l'aviation, l’Alger dispose de 36 appareils de combat modernes et de 71 anciens, contre respectivement 24 et 46 pour Rabat. Le royaume conserve toutefois un avantage qualitatif : si ses armes sont globalement moins nombreuses et qu’elles seront en partie dépassées, ses forces armées bénéficient d'un taux de professionnalisation plus élevé. L'armée de terre marocaine dispose de 75 000 engagés sur un effectif de 175 000 hommes. L'armée de terre algérienne, elle, ne compte que 35 000 militaires de carrière sur 110 000 hommes.

Les forces terrestres chérifiennes sont donc meilleures en expérience et en encadrement

Les unités de soutien marocaines sont nombreuses et jouissent d’une excellente organisation. Les unités de maintenance et de logistique algériennes existent, cela va sans dire, mais leur capacité à soutenir des forces de première ligne avec un matériel important (et donc des besoins considérables en munitions, carburant et pièces de rechange) est sujette à caution : les lacunes des forces soviétiques - sur le modèle desquelles ont été organisées les unités algériennes - sont connues.

Supériorité matérielle algérienne, avantage qualitatif marocain... Une situation tangible. Depuis quelques années, Alger professionnalise ses forces régulières et standardise ses moyens afin d'être phase avec les enjeux stratégiques et les menaces réelles ou fantasmées. Bien que freinée par les séquelles persistantes de la guerre civile, cette évolution est bel et bien confirmée. Une partie des gardes communaux sont intégrés aux forces armées (justifiant un budget de la défense de plus de 10 milliards de dollars - 7,5 milliards d'euros - pour 2013), des blindés de conception émiratie Nimr II sont assemblés, et plusieurs centaines de Fuchs 2 allemands remplacent les anciens modèles.

Le choix d'un blindé à roues est bel et bien justifié aussi

Il est considéré comme beaucoup mieux adapté lors de troubles intérieurs ; il peut parcourir de grandes distances sur route en un laps de temps réduit. L'Algérie se dote ainsi d'une force beaucoup plus mobile, capable de se rendre d'un point à l'autre du pays dans de brefs délais, et demandant moins de maintenance qu'un véhicule chenillé.

Le développement de plus en plus marqué de moyens de renseignements indépendants est un point à noter. Le satellite AlSat-2A, pouvant réaliser une imagerie de moyenne résolution (10 mètres) est lancé. AlSat-2B doit l'être également. La capacité de renseignements stratégique algérienne, bien que modeste, sera beaucoup plus pratique que les Mig-25 Foxbat D, ces derniers ne pouvant pas survoler le territoire marocain.

Les autorités politiques et militaires algériennes semblent conscientes qu'il y a bien des choses à améliorer dans le domaine de l’entraînement des troupes, et donne la charge de cette tâche à la marine allemande. Après la prise d'otages sanglante d'In Amenas en janvier, des discussions ont été entamées à l'initiative de Londres afin que les Special Air Service et Special Boat Service, unités des forces spéciales britanniques, forment leurs homologues algériens aux opérations antiterroristes... L'Algérie pourrait prendre l'ascendant  sur son voisin.

La qualité des militaires de Rabat resterait la même, alors que ceux d'Alger s'amélioreraient

Les moyens financiers algériens permettent d'entraîner les soldats de manière intensive, de faire voler les avions, et d'organiser des exercices, et même si l'Algérie venait un jour à égaler ou presque son voisin par les compétences, tout en le dominant numériquement, un conflit serait une catastrophe économique pour les deux protagonistes. Pour le déclencheur, ce serait un suicide politico diplomatique.

Le Front Polisario disposerait de 7.000 hommes et femmes en armes, avec la capacité de recruter des auxiliaires/miliciens, structurés militairement en sept régions. Tifariti regroupe l'essentiel des moyens blindés du mouvement, et Tindouf accueille les éléments de soutien et le commandement.

Quatre à cinq bataillons sont implantés dans chacune : trois de chars, six d'infanterie mécanisée et deux ou trois d'infanterie motorisée. Il existe aussi des compagnies du génie et des commandos. Plus. Le Front dispose d'une unité de «commandos marine» supposée opérer le long du littoral marocain. Finalement, l'ordre de bataille inclut deux batteries de lance-missiles sol-air SA-6.

L'Algérie et le Maroc : Une partie des armes (légères et lourdes) a été fournie par l'Algérie, d'autres ont été prises aux forces marocaines au début du conflit

Le Polisario aligne, pour les blindés, des T-62, des T-55, quelques SK-105 (ex-marocains), plusieurs blindés de type AML (également ex-marocains), des BRDM-2 et EE-9, des BTR-60 et une soixantaine de BMP-1 en armement lourd. Il possède aussi de nombreux véhicules tout-terrain sur lesquels sont montées des mitrailleuses de 12,7 mm ou de 14,5 mm, ainsi que des bitubes de 23 mm. En artillerie, il détient des pièces de 130 mm, des lance-roquettes multiples BM-21 et des mortiers de 120 mm et de 160 mm auxquels s'ajoutent environ 40 postes de tir pour missiles antichars AT-3 Sagger et une centaine de missiles sol-air à très courte portée SA-7, dont beaucoup ne fonctionnent probablement plus. Une partie de ces matériels n'est plus opérationnelle aujourd'hui.

Ceuta et Melilla: dernières colonies en Afrique

Contrairement aux croyances de la plupart des gens que l'âge du colonialisme a pris fin en 1994 avec la fin de l'apartheid en Afrique du Sud, l'Espagne colonise à ce jour une partie du Maroc. Les villes de Ceuta et Melilla, avec une chaîne de petites îles au large de la côte, constituent les terres de la colonie espagnole au Maroc, sans oublier les îles Canaries. Ces deux villes et les îles sont les plus anciens survivants des colonies espagnoles dans le monde. Le gouvernement marocain affirme que ces terres appartiennent au Maroc et les considèrent sous occupation étrangère. Le gouvernement espagnol affirme que ces terres appartiennent légitimement à l'Espagne, insistant que cette dernière en est la dirigeante historiques. La ville de Melilla a été conquise par l'Espagne en 1497 et Ceuta a été héritée par l'Espagne en 1580, avec l'union des monarchies espagnole et portugaise.

En 1912, la France et l'Espagne ont établi un protectorat sur le Maroc. En vertu de cet accord, l'Espagne a hérité d'une zone de terres qui s'étend de l'océan Atlantique à la frontière algéro-marocaine, ainsi que le Sahara occidental. En outre, l'Espagne a gardé son contrôle sur Ceuta et Melilla.

En 1956, le Maroc a obtenu son indépendance de la France. L’Espagne céda la plupart du territoire acquis sous le protectorat franco espagnol. Toutefois, le gouvernement espagnol ne libéra pas les villes de Ceuta et Melilla, insistant à la place que ces villes ne sont pas des colonies puisqu’elles ont été habitées par les espagnols avant l'existence du Maroc en tant que pays.

Aujourd'hui, les villes de Ceuta et Melilla abritent environ 75.000 personnes chacune. Ces villes attirent des milliers de personnes chaque jour. Ouvriers et des commerçants marocains font des allers-retours incessants depuis chaque ville sur une base quotidienne. Les immigrés africains viennent chercher un moyen facile de se rendre en Europe depuis Ceuta et Melilla puisqu’elles font officiellement partie de l'Espagne.

En réponse au problème de l'immigration, l'Espagne a construit trois clôtures électrifiées parallèles, rappellent le mur de Berlin (mur de la honte), pour réduire l'immigration illégale. Les 19 pieds de hauteur des clôtures sont équipés de caméras infrarouges, de grenades lacrymogènes, de détecteurs de mouvement et de bruit et de tours de contrôle. Le gouvernement marocain s'est fermement opposé à la construction de ces clôtures.

En outre, les ressortissants marocains ont déclaré qu'ils ont été victimes de racisme à Melilla. En Août de l’année dernière, des Marocains manifestant contre le racisme et les abus policiers à Melilla ont effectué un blocage au passage des frontières, empêchant les camions de faire des livraisons de produits alimentaires.

Comme l'histoire l'a montré, le refus de l'Espagne à renoncer au contrôle sur l'ensemble de ses territoires au Maroc va sans doute conduire à des futurs conflits, alors que l’influence espagnole continue de diminuer dans le monde entier.